Pour le petit déjeuner

Pour le petit déjeuner, je vais m’asseoir sur le bord du lit, orienté face vers la porte ; Aaaah ! ce thé est vraiment un régal. J’avais rien mangé depuis deux jours. Deux biscottes au beurre avec confiture de groseille. C’est encore un peu dur à mâcher, mais c’est si bien. J’ai mis tout les sachets de sucre dans le thé, pas de détail, il faut reprendre des forces.

Ma chambre est presque en face de l’office des infirmières avec la porte restée entre-ouverte j’entends leurs discussions perso et pro. Les horaires ceci, la direction cela. Que du gratiné.

« Ah vous l’avez retrouvée ». la dame de la chambre voisine vient de remettre la main sur sa convocation à l’hôpital pour examen. «  vous vous rendrez » (à voix haute, l’infirmière la lui lit). Je ne l’ai même pas vue mais j’imagine cette dame âgée. « au centre d’examen des HCL ». Elle parle tout bas la vieille dame, mais peut-être qu’elle entend bien. « impérativement le 8 octobre à 10h30 ». gros temps d’arrêt. « mais la date est passée, c’était hier madame ». Bon ça n’a pas l’air non plus d’être la panique. « je vais les appeler pour voir, madame ». « pour un examen des introspectif des voies digestives ». Ouh, putain y’a  des trucs plus ou moins facile à avoir.

Ah ils viennent de mettre en marche les machines à laver. La nana chargé du ménage peste gentiment contre son collègue qui va partir à la retraite d’ici trois ou quatre mois m’a t’elle dit. Ça c’est à 10h. A 13h, elle l’envoie péter sans ménagement. Elle est super serviable, elle a raison. Et l’autre, on préfère le voir à la retraite. Il ralentit les autres dans leur travail, occupe un poste et pendant le temps où il est au boulot, il dépense pas. Là il aura tout son temps pour claquer sans compter. Juste sous ma fenêtre y’a un arrêt de bus. Je peux contrôler les horaires sans trop d’efforts. Les bâtiments en face du mien sont récents et beaux. Modernes mais beaux. Vu ce que je vois du mien, c’est mieux d’avoir vue sur eux. Dans le mien, ils ont refait que l’intérieur.

La machine à laver terminée, une s’est lancée dans le tri des couverts métalliques. C’est le concert du Bronx en direct. Je suis mort de rire. Ça couvre tout autre bruit.

Pour éviter de servir des repas froids, ils sortent tout brûlant. Comme je suis face à l’office, je suis servi super chaud, j’adore.

Dans trois jours ça me fera peut-être sombrement chier, mais là, cette petite isolation, avec le discours de la Méthode de Descartes, le Que sais-je ? de l’Empire Romain et des National Géographique avec de superbes photos, c’est pas mal pour réfléchir. J’ai pas l’intention de demander la télévision. C’est l’occasion de s’en passer. Un peu comme pour une retraite spirituelle. Moi c’est une retraite philosophique avec Descartes.

Il fait un temps magnifique et ça me coûte pas du tout de ne pas être dehors. Fenêtre grande ouverte je goûte au vent d’automne, que j’adore, dans les Catalpas juste sous ma chambre. Ils me rappellent ma première maison. Y’en avait deux dans le jardin. Y’a toujours quelque-chose qui en tombe. Les feuilles, les fleurs, les espèces de haricots de vingt cinq centimètres de long, verts, puis secs pour allumer le barbeuc. Tu veux être sur de sortir au jardin pour un truc pas trop fatiguant, t’en met quatre dans ton jardin : t’es dehors presque tous les jours de l’année.

J’ai le soleil le matin. Là il a tourné, enfin c’est nous qui tournons, je sais. C’est bien ça va pas chauffer tout l’après-midi.

Dans ma chambre pour deux, je suis seul, je préfère. Pour une retraite faut pas être avec d’autres qui font pas la même retraite.

A l’office, ça rigole. Je pense au sketch de Dieudo : « ils dansent ». Y’a une super ambiance dans leur équipe, ils sont aimables. Cette nuit, j’ai fait la connaissance de l’infirmière de nuit. Elle fait sa tournée seule. Elle maîtrise son job, avec toutes les chambres du couloir, dont je vois pas le bout, ni d’un coté, ni de l’autre. C’est pas une responsabilité à deux balles.

Visiblement, dans la gouttière du bâtiment en face, les oiseaux font des trucs. Ils ont du bloquer des feuilles mouillées qu’ils ont laissé pourrir, c’est leur réserve de bouf.. Avec soixante mètres de long, ils ont un beau congélo les malins. En plus avec le surplomb que fait la toiture, au cinquième étage, à moins de vouloir direct faire une admission aux urgences, personne ira la nettoyer la gouttière.

Tiens un mec en bas, en dehors de l’hôpital, en tenue de malade. Il doit vraiment être malade lui. Ah non ! c’est un bon musulman en tenue, …. Y’en avait un hier au urgence, c’est beau, une aube blanche, satinée, bien coupée, qui couvre tout les vêtements, le chapeau assortit. C’est bien plus beau que l’autre mec que j’y ai vu. Un garagiste aux mains noires de gras, sales. Un pantalon de jog détendu, élimé, tâché, avec des baskets dégueulasses. Avec sa femme qu’avait un jean noir qu’elle avait voulu élargir aux cuisses, elle même en rajoutant du tissus cousu à la mano, même pas droit et un tee-shirt avec des trous. Merde, un peu de tenue.

J’avais bien raison tout à l’heure. En face ils ont baissé les volets. Ils donnent plein ouest et le soleil commence à les chauffer pleins feux.

Pour le déjeuner, j’étais face à la fenêtre. L’infirmière qui a vu que j’explorais toutes les positions possibles pour manger, écrire, … rigole à chaque fois qu’elle entre, je suis jamais au même endroit.

Tiens l’hélico qui fait un tour avant de se poser aux urgences. La nuit, je laisse le volet roulant ouvert, ça fait un spectacle. Hier soir dans le début de la nuit quelques ambulances passent par la voie en bas derrière les arbres pour filer aux urgences. Là un break blanc qui roule tranquille en clignotant bleu, je me dit qui va plutôt filer à la maternité. Plus tard un train de trois fourgons rouges avec les pin-pon à fond et les gyro qui flashent. Eux c’est bien vers les urgences qu’ils doivent aller : c’est moins drôle.

A mon arrivée dans la chambre, ils m’ont donné un petit bidon de savon liquide pour se laver super propre avant d’aller en salle d’op. Pour bien faire faudrait l’utiliser avant de faire des activités à risques : sports, voiture, déplacements en quartier chaud, utilisation de la tronçonneuse. Comme ça t’es tout prêt à passer sur le billard en cas d’accident.